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Extrêmes aujourd'hui et demain

Compte rendu du forum du National Centre for Climate Services du 20 novembre 2019, par Yves Loerincik

· climat,environnement,durabilité

Introduction

Le NCCS (National Centre for Climate Services) tenait le 20 novembre dernier son troisième forum sur le thème « Extrêmes aujourd’hui et demain ». Son but ? Aborder la question des connaissances scientifiques dont nous disposons et qui sont nécessaires pour prendre les bonnes décisions pour l’avenir de la Suisse. L’après-midi était consacré au symposium annuel sur le thème « Adaptation aux changements climatiques ».

Une analyse de risques multiplie la probabilité d’un scénario par les impacts associés. Un scénario peu probable, mais avec un effet extrêmement fort mérite donc d’être considéré. Et si on analysait un scénario d’augmentation de la température à + 8°C, voir + 11°C, tous les deux vraisemblables, pour analyser les risques liés aux changements climatiques et les limites à l’adaptation ? Ce sont ces scénarios extrêmes, qui ne sont généralement pas considérés dans nos réflexions, qui généreront les effets les plus forts. Erich Fischer (EPFZ) nous invite à y accorder plus d’attention.

J’ai pour ma part été frappé de voir le peu de représentant de Suisse Romande a cet événement national, 3 ou 4 tout au plus. Le sujet est pourtant d’actualité et traité en Suisse romande. Est-ce que cela montre une manière différente d’appréhender le sujet entre la suisse alémanique et la suisse romande ?

Adaptation : exemples et limites

Erich Fischer (ETH Zürich) a présenté le concept de storyline, autrement dit la description de scénario limite pour s’intéresser à ce qui pourrait se passer, et ne pas considérer que les alternatives les plus probables. Au niveau des effets, les scénarios plus extrêmes ou la combinaison de différents facteurs pourraient être beaucoup plus impactant. Et s’ils se produisaient ? Quel est la probabilité que cela soit le cas ? Quels sont les impacts associés ? Les mesures à prendre ? Sans être catastrophiste, Erich Fischer a invité l’audience à y accorder plus d’attention.

Le système politique suisse, compatible avec les défis de l’adaptation ? Karin Ingold (Université de Berne) a lancé le débat. Intuitivement, imagine-t-on que le système politique est adapté pour réfléchir à 30 ans ? Je ne sais pas pour vous, mais j’aurais tendance à répondre non. Une démocratie participative nécessite du temps pour prendre des décisions, une élection tous les 4 ans implique une vision à court terme et favorise l’adoption de mesures peu coûteuses, faciles et ayant un effet rapidement. Généralement, ce n’est que lorsque l’on est directement touché, ou qu’il y a des catastrophes, que les décisions se prennent et que les changements s’accélèrent.

Diana Walther (Service de la santé publique du Canton de Vaud) a présenté le plan canicule du canton de Vaud, un bel exemple de processus d’adaptation. On peut en particulier noter les points suivants :

  • Les groupes les plus à risque sont les personnes âgées de plus de 70 ans ;
  • Le problème des ilots de chaleur en ville devrait être adressé dans tous les nouveaux aménagements étant donné leur impact et l’inertie pour modifier l’aménagement d’une ville, quelle que soit sa taille; 
  • La taille des groupes les plus à risque va augmenter avec le vieillissement de la population, l’accroissement de la population et la tendance à vivre en ville ; 
  • Il ne suffit pas de s’occuper que des jours de canicule. On remarque que les jours chauds, qui eux sont beaucoup plus nombreux, sont aussi la source de décès. Globalement ces derniers représentent d’ailleurs plus de décès que les jours de canicule. Cela plaide pour des changements de manière de vivre, des aménagements urbains et des pratiques professionnelles. 

Markus Feltscher (Fondation de prévention des établissements cantonaux d'assurance) décrit le rôle de la fondation prévention, mise en place par les assureurs bâtiments en Suisse (dans la majorité des cantons, organisés sous la forme d’une institution publique). Il met en évidence des constructions moins « solides » actuellement (beaucoup de stores par exemple) ou encore la multiplication des installations photovoltaïques, qui engendrent de nouveaux risques. Globalement, c’est la grêle, les inondations et les tempêtes et ouragans qui sont la source de dégâts la plus généralisée. Si le risque incendie est bien maîtrisé en Suisse, il y a beaucoup de travail de sensibilisation et de standardisation à faire sur les risques liés aux dommages naturels. La fondation travaille avec les différents acteurs de la branche dans ce but.

Les données :

Dans le domaine des données et des prévisions, Andreas Fischer et Sven Kotlarski de Météosuisse rappellent que des données pour certaines régions sont disponibles pour les prévisions liées aux changements climatiques. De nombreuses données sont accessibles sur le site : https://www.nccs.admin.ch. Leur domaine de recherche prioritaire a pour objectif de fournir des données plus régionalisées pour que les stratégies d’adaptation au niveau local puissent être construites. D’autres indicateurs, comme la période de végétation ou les risques de gel tardif devraient également être ajoutées prochainement.

Petra Schmocker-Fackel rappelle qu’en moyenne, sur une année, la Suisse ne devrait pas souffrir de manque d’eau. Des sécheresses saisonnières par contre, sont à anticiper.

Les changements climatiques sont susceptibles d’avoir de nombreuses implications sur le domaine de la biodiversité et des plantes : Christoph Werner décrit certains des risques associés aux nouveaux ravageurs, et aux nuisibles qui seront renforcés (période de reproduction plus longue) et qui pourront se déplacer dans de nouvelles régions en Suisse. C’est également un domaine d’action prioritaire et de nombreuses informations sont disponibles sur le site de NCCS.

Les questions qui se posent :

Dans son intervention, Ueli Meier, responsable des forêts pour les deux cantons de Bâle a surtout mis en évidence des questions sans réponse. Le défi pour la gestion des forêts, c’est de savoir quelles essences planter maintenant pour dans 100 ans, et dans quel but ? Il rappelle que la forêt n’est pas naturelle depuis des centaines d’années, qu’on a planté des essences dans le but de pouvoir exploiter le bois pour la construction ou le chauffage. Ebranlé par les conséquences de la sécheresse de 2018, il explique qu’on ne sait pas exactement quelle est la source des problèmes que l’on rencontre actuellement. Est-ce un événement extrême ? Ou voit-on déjà les conséquences des changements climatiques ? En outre, de nombreuses questions subsistent : quel impact aura la hausse de la température du sol ? Quels services souhaitons-nous avoir de la forêt dans 50, 100 ans ? Gérer les impacts des changements climatiques va avoir un effet fondamental sur l’industrie forestière et la gestion des forêts, qui pourrait bien avoir un rôle tout à fait différent dans quelques dizaines d’années.

Qu’est-ce que nous (eqlosion) en retenons ?

Plusieurs éléments fondamentaux :

  1. Les études scientifiques sur le réchauffement climatique, les scénarios d’évolution et les données à disposition se multiplient. Elles permettent, de plus en plus, d’anticiper l’avenir ; 
  2. Les effets, et la notion de risques associés aux changements climatiques, manquent de maturité. Beaucoup d’hypothèses et de questions subsistent. Peu d’analyses de risques quantifient réellement la conséquence des effets des changements climatiques en multipliant les effets de différents scénarios par leur probabilité. 
  3. De nombreuses questions se posent au sujet de la capacité de la Suisse à s’adapter, les blocages et les implications que cela représente. Ne faudrait-il par questionner certain nombre de fondamentaux, que cela soit au niveau économique, politique ou sociétal ?

Nous n’avons pas la réponse, mais mettre en relation les risques, les blocages, et ces fondamentaux pourrait peut-être être une réflexion intéressante. Des solutions existent et il est urgent de s’atteler à identifier les blocages à lever pour permettre leur mise en application à large échelle.

Qui, en Suisse romande, a lu et connaît les scénarios climatiques 2018 pour la Suisse ?

Note : ce résumé n’est pas officiel, il n’est que la compréhension des éléments clés et leur interprétation lors de notre participation à ce forum.

Pour aller plus loin :

Le site de nccs : https://www.nccs.admin.ch/nccs/fr/home.html

Le rapport « coup de projecteur sur le climat suisse »: https://sciencesnaturelles.ch/service/publications/81637-coup-de-projecteur-sur-le-climat-suisse

Le rapport « Les scénarios climatiques pour la Suisse » : https://www.nccs.admin.ch/nccs/fr/home/changement-climatique-et-impacts/scenarios-climatiques-suisses.html

 

Le National Centre for Climate Services est un organe national dédié à la coordination et à l’innovation. Il développe et diffuse des services climatiques. Il fournit en outre des données, des informations et des possibilités d’action. Il apporte un soutien pour leur utilisation et leur interprétation et met en réseau tous les acteurs du domaine des services climatiques.