Durabilité environnementale du Canton de Vaud: enjeux, freins et solutions

Le point de vue de Sébastien Humbert, député au Grand Conseil
14 novembre 2022 par
Durabilité environnementale du Canton de Vaud: enjeux, freins et solutions
eqlosion

Sébastien Humbert est un politicien vert’libéral. Il est actuellement conseiller municipal à Le Vaud et vient également de débuter un premier mandat au Grand Conseil vaudois. En parallèle de son parcours politique, Sébastien Humbert a cofondé le bureau de conseil Quantis, pour lequel il travaille comme consultant en durabilité.


Pouvez-vous expliquer en quelques mots votre parcours professionnel? 

Ayant grandi dans une ferme, proche de la nature, j’ai commencé dès l’enfance à m’intéresser à l’environnement et en particulier à la protection de la biodiversité. Plus tard, j’ai réalisé que pour protéger la biodiversité il fallait protéger les écosystèmes. C'est pourquoi j’ai choisi d’étudier le Génie de l’environnement à l’EPFL. Après chaque cours, j’étais intéressé par un nouveau domaine. Après un cours sur l’eau, je voulais trouver un métier pour dépolluer les eaux et ainsi de suite. J’ai vite compris que les problèmes à régler sont nombreux. Ensuite, j’ai eu un cours sur les bilans écologiques qui a été une révélation. Plutôt que de résoudre des problèmes, les éco-bilans permettent de les identifier en amont et d’éviter de les créer. En plus, ils permettent d’avoir une vision globale de la pollution en s’intéressant aussi bien à l’eau, l’air, les sols, la biodiversité, les déchets, etc. J’ai commencé à travailler dans le laboratoire sur les éco-bilans de l’EPFL. Lorsque celui-ci a fermé, mes collègues et moi avons décidé de créer Quantis, un bureau de conseil qui propose des éco-bilans de produits, de services et des entreprises. Il y a vingt ans, cette méthode était alors principalement réservée au milieu académique et encore très peu connue des politiques et des industriels.

Quelles sont les raisons qui vous ont motivé à entrer en politique?

En tant que consultant en durabilité, mon travail est de conseiller les autres sur les décisions à prendre et j’ai vite été frustré de ne pas pouvoir y prendre part. Pour y remédier, je pouvais soit devenir dirigeant dans une industrie, soit entrer en politique. Ce deuxième choix me plaisait plus car il permet de participer à l’élaboration d’un cadre qui n’oblige pas une, mais toutes les entreprises à devenir plus écologiques. C’est ainsi que je me suis engagé en politique au sein des Vert.e.s. Cependant, avec mon parcours d’entrepreneur, je n’étais pas toujours aligné avec eux et les trouvais parfois trop à gauche. J’étais alors content lorsque les vert’libéraux ont été créés. J’ai aussi rejoint le Conseil Communal de Le Vaud. Puis je suis entré à la Municipalité. J’ai réalisé qu’il y a beaucoup de lois qui sont influencées par le Canton, par conséquent j’ai voulu entrer au Grand Conseil. C’était une manière aussi d’étendre les principes de durabilité aux trois cents autres communes vaudoises. Je suis content aujourd’hui d’avoir à la fois une fonction dans le législatif et dans l’exécutif. Grâce à mon expérience de terrain, je suis plus à l’aise pour voter sur des lois et décrets en sachant quelles sont les contraintes pour les appliquer. Chacune des deux fonctions m’aide pour l’autre.

Quels sont les points qui vous ont surpris, en bien ou en mal, lors de vos débuts au Grand Conseil?

Une chose qui m’a surpris en bien, c’est le côté cordial et respectueux des échanges entre les député-es. Même en cas de désaccord, les discussions se passent dans le calme. C’est plus protocolaire et moins émotionnel qu’au niveau communal. Une autre chose qui m’a surpris en bien est l’influence que chaque député-e a, et c’est encore plus marqué chez les vert’libéraux. En tant que parti du centre, nous pouvons souvent faire basculer une décision. Chaque vote a une grande importance, surtout lorsqu'il manque deux ou trois voix pour atteindre la majorité. Le côté « négatif » est l’investissement et le temps que ce mandat demande. C’est beaucoup plus important que ce que j’imaginais. Un autre point « négatif » est le temps que prennent les procédures pour aboutir. Nous votons des lois qui seront appliquées seulement dans une, voire plusieurs années, ce qui n’est pas toujours compatible avec l’urgence climatique. Il y a aussi moins de proximité avec la population que dans mon village où les habitant-es viennent directement m’aborder.

Quels sont les projets que vous souhaitez soutenir durant votre mandat?

Mon objectif est de rendre notre société plus durable grâce à l’élaboration de lois, d’ordonnances et de décrets ambitieux et constructifs, car il est inutile d’interdire le carbone d’ici 2050 sans proposer des solutions pratiques. De plus, il faut un cadre législatif clair, simple et facile à appliquer qui aide la société à faire la transition. Actuellement, les personnes chargées d’appliquer les lois ne sont pas toujours bien définies. Par conséquent, de nombreuses lois existent mais ne sont pas appliquées correctement, voire pas du tout. Les conseiller-ères municipaux-ales ou les autres responsables locaux-ales ne les connaissent parfois même pas. Une des conséquences est, entre autres, la destruction des habitats naturels qui légalement ne sont pas censées avoir lieu et dont peu de gens sont conscients. C’est par exemple le cas lorsqu’un chêne est coupé et remplacé par un arbre exotique ou lorsqu’une bordure de rivière est aménagée avec du gazon bien tondu. Ce sont des espaces verts remplacés par d’autres espaces verts mais la biodiversité y est tout de même détruite. L’eau de nos rivières est peut-être relativement propre mais leur écosystème est très pauvre. Beaucoup de personnes n’ont même pas conscience de commettre ces erreurs ou pensent que leur seul comportement, bon ou mauvais, n’a pas beaucoup de conséquences. Mais ce n’est pas le cas si les huit cent mille personnes du Canton pensent ainsi. Pour le moment, le Canton n'est pas sur le bon chemin. Aucun État dans le monde ne l’est d’ailleurs. Je suis député depuis seulement trois mois alors j’essaie encore de comprendre ce qui peut être simplifié et amélioré. Mais il faut des lois plus claires, avec moins de marge d’interprétation, et bien sûr clarifier qui doit les faire appliquer.

Quels sont les besoins des entreprises et des communes vaudoises que vous avez identifiés? Comment les engager davantage dans la transition?

Les entreprises et les communes veulent de la stabilité et des lois simples. Un cadre législatif trop complexe et qui évolue trop vite représente pour elles une incertitude législative et économique. C’est encore plus vrai pour les petites communes et les PME qui, contrairement aux grandes structures, n’ont pas de services spécialisés avec des expert-es ou des juristes. Il faut par conséquent un cadre législatif que tout le monde puisse connaître et comprendre. En tant que conseiller municipal, je trouve compliqué de connaître toutes les lois ou encore de savoir comment faire pour toucher des subventions pour certains projets. Avec des changements fréquents des personnes responsables c’est encore pire. D’ailleurs ces difficultés ne concernent pas que le domaine de l'environnement. Il faut aussi que l'État soit plus proactif pour aider la transition durable. Il faut certes un cadre légal, mais il faut aussi un cadre incitatif, comme par exemple des subventions pour la rénovation énergétique. En ce moment, le Canton propose des subventions aux communes via le PECC (Plan énergie et climat communal). Cependant, ce programme est basé sur la bonne volonté des municipalités et il faut parfois malheureusement une crise énergétique pour réussir à toutes les engager. C’est pareil avec les entreprises. Pour les personnes qui ne se sentent pas concernées par la crise environnementale, il faut passer par le porte-monnaie ou par des mesures coercitives. L’incitatif n’est pas toujours suffisant. Il y a en gros les personnes impliquées et proactives, les personnes uniquement sensibles aux mesures incitatives et, pour finir, celles avec qui il faut attendre que le prix de l’énergie monte ou que les lois deviennent contraignantes pour qu’elles agissent.

Est-ce que les problèmes environnementaux sont toujours les mêmes qu’il y a vingt ans ou avez-vous observé une évolution?

Dans les années 70 et 80, l’intérêt de la population, de l’industrie et des politiques était porté sur l’énergie, sur sa consommation et sur les manières de l’économiser. Tout le monde avait peur de manquer de pétrole. Ensuite, la problématique du changement climatique est apparue, en partie grâce au documentaire avec Al Gore, Une vérité qui dérange, qui est sorti en 2006. Dans le milieu académique, le changement climatique et le calcul des émissions CO2 étaient pourtant déjà connus. Vers 2009, les entreprises se sont soudain intéressées à la problématique de l’eau. Mais ensuite, après la COP de Paris en 2015, la problématique du réchauffement climatique est revenue sur le devant de la scène et a été vraiment démocratisée. Elle s’est repositionnée comme la question principale dans la durabilité et c’est toujours le cas aujourd'hui. La biodiversité et l’eau restent des préoccupations, mais par simplification, lorsque nous faisons des éco-bilans, nous parlons de l'empreinte carbone même si nous traitons aussi les autres domaines.

Quels sont les autres freins que vous avez identifiés à la transition énergétique/écologique du Canton?

Outre le cadre législatif trop compliqué, il y a également un manque d'éducation, qui pourrait être pallié entre autres par l’école. Beaucoup de gens ne sont pas encore assez sensibilisés aux différentes problématiques climatiques. Et il y a aussi une frange de la population qui s’en fichera toujours, quoi qu’on lui dise. Quant à l’information, elle n’atteint en général que les personnes déjà sensibilisées. Un autre point concerne les manquements au niveau de l’Etat, qui est pourtant censé avoir un devoir d’exemplarité. Tout le monde sait par exemple qu’il faut réduire la consommation de viande. Cependant, dans presque tous les événements organisés par une structure étatique, j’ai remarqué que les menus proposés étaient carnés. Pour avoir un plat végétarien, il faut le demander. Il faudrait que ce soit le contraire. Une fois, par curiosité, j’ai demandé aux personnes qui avaient de la viande si elles y tenaient vraiment. Elles m’ont toutes répondu qu’elles n’avaient seulement pas pensé à entreprendre les démarches pour demander un autre plat que celui proposé d’office. Dans les événements officiels, la plupart des gens mangent simplement ce qu’il y a dans l’assiette. Je pense qu’il faut laisser le choix mais proposer les plats végétariens par défaut avec un choix actif pour les plats carnés. Autre exemple avec les transports. Il n’est pas rare que les communes et, de manière générale les associations étatiques, remboursent les trajets en voiture à septante centimes le kilomètre, ce qui englobe l’amortissement de la voiture, alors que les trajets en transports en commun sont remboursés au prix du demi-tarif. Pire, je me suis entendu dire parfois que le trajet ne m’était pas remboursé du tout vu que j’ai un abonnement général. En plus d’être un non-sens écologique, c’est inégalitaire. Je tiens à préciser que le Grand Conseil n’entre pas dans cet exemple car l’abonnement général des député-es est remboursé.

 est un politicien vert’libéral. Il est actuellement conseiller municipal à Le Vaud et vient également de débuter un premier mandat au Grand Conseil vaudois. En parallèle de son parcours politique, Sébastien Humbert a cofondé le bureau de conseil Quantis, pour lequel il travaille comme consultant en durabilité. 


Pouvez-vous expliquer en quelques mots votre parcours professionnel? 


Ayant grandi dans une ferme, proche de la nature, j’ai commencé dès l’enfance à m’intéresser à l’environnement et en particulier à la protection de la biodiversité. Plus tard, j’ai réalisé que pour protéger la biodiversité il fallait protéger les écosystèmes. C'est pourquoi j’ai choisi d’étudier le Génie de l’environnement à l’EPFL. Après chaque cours, j’étais intéressé par un nouveau domaine. Après un cours sur l’eau, je voulais trouver un métier pour dépolluer les eaux et ainsi de suite. J’ai vite compris que les problèmes à régler sont nombreux. Ensuite, j’ai eu un cours sur les bilans écologiques qui a été une révélation. Plutôt que de résoudre des problèmes, les éco-bilans permettent de les identifier en amont et d’éviter de les créer. En plus, ils permettent d’avoir une vision globale de la pollution en s’intéressant aussi bien à l’eau, l’air, les sols, la biodiversité, les déchets, etc. J’ai commencé à travailler dans le laboratoire sur les éco-bilans de l’EPFL. Lorsque celui-ci a fermé, mes collègues et moi avons décidé de créer Quantis, un bureau de conseil qui propose des éco-bilans de produits, de services et des entreprises. Il y a vingt ans, cette méthode était alors principalement réservée au milieu académique et encore très peu connue des politiques et des industriels.


Quelles sont les raisons qui vous ont motivé à entrer en politique?


En tant que consultant en durabilité, mon travail est de conseiller les autres sur les décisions à prendre et j’ai vite été frustré de ne pas pouvoir y prendre part. Pour y remédier, je pouvais soit devenir dirigeant dans une industrie, soit entrer en politique. Ce deuxième choix me plaisait plus car il permet de participer à l’élaboration d’un cadre qui n’oblige pas une, mais toutes les entreprises à devenir plus écologiques. C’est ainsi que je me suis engagé en politique au sein des Vert.e.s. Cependant, avec mon parcours d’entrepreneur, je n’étais pas toujours aligné avec eux et les trouvais parfois trop à gauche. J’étais alors content lorsque les vert’libéraux ont été créés. J’ai aussi rejoint le Conseil Communal de Le Vaud. Puis je suis entré à la Municipalité. J’ai réalisé qu’il y a beaucoup de lois qui sont influencées par le Canton, par conséquent j’ai voulu entrer au Grand Conseil. C’était une manière aussi d’étendre les principes de durabilité aux trois cents autres communes vaudoises. Je suis content aujourd’hui d’avoir à la fois une fonction dans le législatif et dans l’exécutif. Grâce à mon expérience de terrain, je suis plus à l’aise pour voter sur des lois et décrets en sachant quelles sont les contraintes pour les appliquer. Chacune des deux fonctions m’aide pour l’autre. 


Quels sont les points qui vous ont surpris, en bien ou en mal, lors de vos débuts au Grand Conseil? 


Une chose qui m’a surpris en bien, c’est le côté cordial et respectueux des échanges entre les député-es. Même en cas de désaccord, les discussions se passent dans le calme. C’est plus protocolaire et moins émotionnel qu’au niveau communal. Une autre chose qui m’a surpris en bien est l’influence que chaque député-e a, et c’est encore plus marqué chez les vert’libéraux. En tant que parti du centre, nous pouvons souvent faire basculer une décision. Chaque vote a une grande importance, surtout lorsqu'il manque deux ou trois voix pour atteindre la majorité. Le côté « négatif » est l’investissement et le temps que ce mandat demande. C’est beaucoup plus important que ce que j’imaginais. Un autre point « négatif » est le temps que prennent les procédures pour aboutir. Nous votons des lois qui seront appliquées seulement dans une, voire plusieurs années, ce qui n’est pas toujours compatible avec l’urgence climatique. Il y a aussi moins de proximité avec la population que dans mon village où les habitant-es viennent directement m’aborder.


Quels sont les projets que vous souhaitez soutenir durant votre mandat? 


Mon objectif est de rendre notre société plus durable grâce à l’élaboration de lois, d’ordonnances et de décrets ambitieux et constructifs, car il est inutile d’interdire le carbone d’ici 2050 sans proposer des solutions pratiques. De plus, il faut un cadre législatif clair, simple et facile à appliquer qui aide la société à faire la transition. Actuellement, les personnes chargées d’appliquer les lois ne sont pas toujours bien définies. Par conséquent, de nombreuses lois existent mais ne sont pas appliquées correctement, voire pas du tout. Les conseiller-ères municipaux-ales ou les autres responsables locaux-ales ne les connaissent parfois même pas. Une des conséquences est, entre autres, la destruction des habitats naturels qui légalement ne sont pas censées avoir lieu et dont peu de gens sont conscients. C’est par exemple le cas lorsqu’un chêne est coupé et remplacé par un arbre exotique ou lorsqu’une bordure de rivière est aménagée avec du gazon bien tondu. Ce sont des espaces verts remplacés par d’autres espaces verts mais la biodiversité y est tout de même détruite. L’eau de nos rivières est peut-être relativement propre mais leur écosystème est très pauvre. Beaucoup de personnes n’ont même pas conscience de commettre ces erreurs ou pensent que leur seul comportement, bon ou mauvais, n’a pas beaucoup de conséquences. Mais ce n’est pas le cas si les huit cent mille personnes du Canton pensent ainsi. Pour le moment, le Canton n'est pas sur le bon chemin. Aucun État dans le monde ne l’est d’ailleurs. Je suis député depuis seulement trois mois alors j’essaie encore de comprendre ce qui peut être simplifié et amélioré. Mais il faut des lois plus claires, avec moins de marge d’interprétation, et bien sûr clarifier qui doit les faire appliquer. 


Quels sont les besoins des entreprises et des communes vaudoises que vous avez identifiés? Comment les engager davantage dans la transition?


Les entreprises et les communes veulent de la stabilité et des lois simples. Un cadre législatif trop complexe et qui évolue trop vite représente pour elles une incertitude législative et économique. C’est encore plus vrai pour les petites communes et les PME qui, contrairement aux grandes structures, n’ont pas de services spécialisés avec des expert-es ou des juristes. Il faut par conséquent un cadre législatif que tout le monde puisse connaître et comprendre. En tant que conseiller municipal, je trouve compliqué de connaître toutes les lois ou encore de savoir comment faire pour toucher des subventions pour certains projets. Avec des changements fréquents des personnes responsables c’est encore pire. D’ailleurs ces difficultés ne concernent pas que le domaine de l'environnement. Il faut aussi que l'État soit plus proactif pour aider la transition durable. Il faut certes un cadre légal, mais il faut aussi un cadre incitatif, comme par exemple des subventions pour la rénovation énergétique. En ce moment, le Canton propose des subventions aux communes via le PECC (Plan énergie et climat communal). Cependant, ce programme est basé sur la bonne volonté des municipalités et il faut parfois malheureusement une crise énergétique pour réussir à toutes les engager. C’est pareil avec les entreprises. Pour les personnes qui ne se sentent pas concernées par la crise environnementale, il faut passer par le porte-monnaie ou par des mesures coercitives. L’incitatif n’est pas toujours suffisant. Il y a en gros les personnes impliquées et proactives, les personnes uniquement sensibles aux mesures incitatives et, pour finir, celles avec qui il faut attendre que le prix de l’énergie monte ou que les lois deviennent contraignantes pour qu’elles agissent. 


Est-ce que les problèmes environnementaux sont toujours les mêmes qu’il y a vingt ans ou avez-vous observé une évolution?


Dans les années 70 et 80, l’intérêt de la population, de l’industrie et des politiques était porté sur l’énergie, sur sa consommation et sur les manières de l’économiser. Tout le monde avait peur de manquer de pétrole. Ensuite, la problématique du changement climatique est apparue, en partie grâce au documentaire avec Al Gore, Une vérité qui dérange, qui est sorti en 2006. Dans le milieu académique, le changement climatique et le calcul des émissions CO2 étaient pourtant déjà connus. Vers 2009, les entreprises se sont soudain intéressées à la problématique de l’eau. Mais ensuite, après la COP de Paris en 2015, la problématique du réchauffement climatique est revenue sur le devant de la scène et a été vraiment démocratisée. Elle s’est repositionnée comme la question principale dans la durabilité et c’est toujours le cas aujourd'hui. La biodiversité et l’eau restent des préoccupations, mais par simplification, lorsque nous faisons des éco-bilans, nous parlons de l'empreinte carbone même si nous traitons aussi les autres domaines.  


Quels sont les autres freins que vous avez identifiés à la transition énergétique/écologique du Canton?


Outre le cadre législatif trop compliqué, il y a également un manque d'éducation, qui pourrait être pallié entre autres par l’école. Beaucoup de gens ne sont pas encore assez sensibilisés aux différentes problématiques climatiques. Et il y a aussi une frange de la population qui s’en fichera toujours, quoi qu’on lui dise. Quant à l’information, elle n’atteint en général que les personnes déjà sensibilisées. Un autre point concerne les manquements au niveau de l’Etat, qui est pourtant censé avoir un devoir d’exemplarité. Tout le monde sait par exemple qu’il faut réduire la consommation de viande. Cependant, dans presque tous les événements organisés par une structure étatique, j’ai remarqué que les menus proposés étaient carnés. Pour avoir un plat végétarien, il faut le demander. Il faudrait que ce soit le contraire. Une fois, par curiosité, j’ai demandé aux personnes qui avaient de la viande si elles y tenaient vraiment. Elles m’ont toutes répondu qu’elles n’avaient seulement pas pensé à entreprendre les démarches pour demander un autre plat que celui proposé d’office. Dans les événements officiels, la plupart des gens mangent simplement ce qu’il y a dans l’assiette. Je pense qu’il faut laisser le choix mais proposer les plats végétariens par défaut avec un choix actif pour les plats carnés. Autre exemple avec les transports. Il n’est pas rare que les communes et, de manière générale les associations étatiques, remboursent les trajets en voiture à septante centimes le kilomètre, ce qui englobe l’amortissement de la voiture, alors que les trajets en transports en commun sont remboursés au prix du demi-tarif. Pire, je me suis entendu dire parfois que le trajet ne m’était pas remboursé du tout vu que j’ai un abonnement général. En plus d’être un non-sens écologique, c’est inégalitaire. Je tiens à préciser que le Grand Conseil n’entre pas dans cet exemple car l’abonnement général des député-es est remboursé.